Aujourd’hui, on poursuit mon défi avec Alix, une rédactrice web expérimentée qui ne mâche pas ses mots. Elle nous dévoile sans filtre sa vision du métier de rédacteur web qu’elle défend avec passion et humour grâce à sa plume aiguisée. C’est parti pour une interview détonante qui bouscule et rebooste !
Peux-tu te présenter en quelques lignes ?
Je m’appelle Alix et je vis en région lilloise. Je me suis installée comme rédactrice en janvier 2010 en créant Rédactiv-Nord, ça commence à faire un bail ! J’ai commencé ce site suite à un bilan de compétences et quelques mois après l’ouverture de mon blog. Ce dernier m’avait servi de carte de visite pour montrer aux clients potentiels que j’étais capable de rédiger correctement.
Je cherchais à l’époque du boulot, mais plutôt en salariat et sans idée précise de ce que je voulais faire (quelque chose dans la comm’, la culture, en rapport avec le net, c’était très vague). Je ne trouvais rien qui me plaisait jusqu’au jour où un ami d’ami m’a contactée. Il avait entendu dire que j’écrivais bien et avait besoin de mes services, étant en création d’un site e-commerce. Il se sentait incapable de décrire ses produits, et il est donc devenu mon premier client.
Je me suis rendu compte que j’adorais rédiger pour les autres, et que je le faisais avec relativement de facilité. Mon client suivant a été une agence de référencement, qui m’a apporté des missions sur un plateau d’argent, et surtout, qui m’a formée aux techniques spécifiques de web, au SEO et à l’écriture web en général. J’ai énormément appris avec eux, en continuant à me former en lisant beaucoup et en expérimentant.
Et de fil en aiguille, voilà 9 ans qui ont filé à toute vitesse !
Quand as-tu créé ton blog ?
Mon blog est né en 2008 : Lectures de Liliba : critiques littéraires, et divers articles sur la culture, expos, visites, balades, ciné, théâtre etc. Il a été très actif pendant 8 ans environ et est depuis 3 ans à l’arrêt. Je n’ai plus de temps à lui consacrer et à vrai dire, j’ai envie d’activités qui me décollent de l’écran plutôt que de me remettre devant le soir ou les week-ends. J’ai été classée pendant pas mal de temps parmi les 5 premiers blogs francophones, mais j’y passais le temps d’un job à mi-temps !
As-tu rencontré des difficultés lors de ton parcours ? Selon toi, quelles sont celles du métier de rédacteur ?
Je n’ai pas connu de vrais échecs ni d’obstacles spécifiques lors de mon parcours de rédactrice. Je trouve que depuis quelques années, il est malgré tout beaucoup plus difficile de négocier les prix et de faire comprendre aux clients ce qui est bon et bien pour eux. Tout comme il faut se battre pour ne pas s’abaisser à travailler pour des clopinettes.
J’ai l’impression, quand je vois le nombre de rédacteurs qui arrivent sur le marché (notamment dans les groupes Facebook) que c’est vraiment le métier à la mode. Tout le monde veut devenir rédacteur à la place du rédacteur, en pensant que c’est un métier facile, qu’il suffit de savoir un petit peu écrire, de maîtriser l’orthographe et qu’on peut rester à la maison et gagner des mille et des cents en bossant tranquillou. C’est complètement faux ! Car rédacteur, c’est un vrai métier. Certes, je gagne bien ma vie, mais je travaille aussi beaucoup et très sérieusement.
Et sur le marché, on trouve de tout. Il existe de très bons rédacteurs, des rédacteurs moyens et également de très mauvais… donc le marché s’agrandit et le métier devient plus compliqué, même si je reconnais que c’est vraiment intéressant qu’on puisse discuter entre nous avec des groupes de pairs, comme on le fait ici.
Mais parfois, je vois des rédacteurs que j’estime ne pas être à la hauteur et ça m’énerve. Ils ne me dérangent pas en eux-mêmes, mais le problème est que ces rédacteurs-là travaillent souvent pour des prix qui ne sont pas les bons et font donc baisser le marché. C’est dommage !
On tombe parfois sur des clients désagréables, réducteurs, indélicats ou de mauvaise foi, comme partout ! Il faut arriver à les refuser quand on les identifie ou à très bien les cadrer. Pour ma part, si j’ai un doute, je préfère refuser une mission plutôt que de m’embarquer avec quelqu’un dont je suppute qu’il va être source de problèmes ou de stress.
Quels conseils pourrais-tu donner aux rédacteurs indépendants qui nous lisent ?
Ne rien lâcher sur les prix ! C’est à nous d’éduquer nos clients et s’ils ne veulent pas payer, il faut trouver d’autres clients. C’est comme pour tout sujet, la qualité se paye ! Ras-le-bol aussi de faire des essais non rémunérés (est-ce que je goûte 3 fraises avant d’acheter une barquette ?) et de nous prendre pour des larbins ! Les clients ont besoin de nous et doivent apprendre à nous respecter. Bon, dans ce cas, il nous faut aussi être au taquet !
Et puis continuer à nourrir sa créativité, sa plume. Pour ma part, ateliers d’écriture réguliers pour écrire pour moi, et pour écrire sur d’autres sujets que les sites pro ou fiches produits. Ca me nourrit beaucoup et je retrouve du coup la joie de manier la plume juste pour le fun, pour le plaisir de jouer avec les mots, sans me soucier d’univers sémantique, de SEO, de référencement, du nombre de caractères, de balises H1 ou du méchant Google !
Vis-tu de la rédaction web ?
La rédaction est mon métier principal et exclusif. J’aime jouer avec les mots, écrire pour des univers différents, découvrir des tas de produits, environnements, et adapter mon écriture à chaque client tout en gardant ma patte. Je me permets d’ailleurs maintenant de choisir mes clients et de ne bosser qu’avec ceux qui me font envie, ou dont les valeurs ou les produits correspondent avec ce que j’aime. Exit les autres, ainsi que les casse-pieds, trop exigeants ou irrespectueux ! Ouste également à ceux qui ne veulent pas payer correctement et prennent les rédacteurs pour des larbins !
Je suis divorcée avec 3 enfants à charge, seule, et donc je dois malgré tout gagner ma croûte, car le papa ne veut pas participer aux frais de ses enfants. Je ne roule pas sur l’or, mais suis au plafond du taux AE. C’est pourtant plus difficile depuis quelques années. Il faut tout le temps justifier ses prix, négocier et souvent avoir le courage d’envoyer balader un client au risque de ne rien gagner pendant un mois (si si ça m’arrive ! C’est l’angoisse, mais je ne lâche rien !). Mais ma liberté vaut ce poids de l’insécurité, c’est mon moteur principal et donc j’accepte les revenus fluctuants pour conserver mon mode de vie que j’adore. Et puis pas de chef, de hiérarchie ni d’autorité, ça n’a pas de prix, non ? (Mouais, j’ai toujours été une rebelle…)
Depuis l’année dernière, j’interviens aussi en école supérieure pour des cours d’aisance rédactionnelle. J’adore ça, bien que ça me demande encore pas mal de préparation.
Quels sont, selon toi, les qualités indispensables pour être rédacteur web et les défauts rédhibitoires à la réussite dans cette activité ?
Les qualités indispensables pour être rédacteur : évidemment orthographe, syntaxe, grammaire et tout le toutim. On voit encore trop de textes avec des fautes ! Nous devrions être totalement irréprochables. Alors bien sûr, nous ne sommes pas des machines et nous faisons tous des fautes ou des oublis, moi la première quand je vais trop vite et que je me relis mal. Mais il y a des fautes de grammaire qui sont totalement impardonnables.
Ensuite, il faut évidemment, quand on écrit pour le web, avoir un minimum de connaissances en SEO et dans les spécificités de la rédaction web, bien différente de la rédaction papier ou encore plus de la rédaction littéraire. Cela semble évident !
Comme tous les métiers de freelance, il faut être capable de bosser seul, ou trouver des solutions pour être encadré, accompagné, ou juste entouré. Pour ma part, j’ai un espace de coworking fétiche (Co-Factory à Lille) où je pose mon ordinateur plusieurs fois par semaine. C’est ma deuxième famille, je m’y sens entourée, écoutée, boostée, reconnue… indispensable pendant les périodes de doute ou de vaches maigres, ou juste pour le plaisir quand tout va bien. C’est aussi un bon moyen de réseauter en douceur et de trouver des partenaires pour monter des projets pro sympas ensemble. C’est un vivier de talents divers et variés qui ouvre l’esprit. Bref, mes amis de la Co-Fac, je les aime d’amour et ne pourrais plus m’en passer !
Mais je pense que les qualités principales d’un bon rédacteur sont avant tout la créativité, le ton, l’impertinence, la liberté, bref la personnalité. C’est ça qui va faire la vraie différence, accrocher le lecteur, séduire, faire rire ou interpeller et au final, faire vendre.
Comment vois-tu ton avenir de rédactrice web ?
Comment je vois mon avenir ? Aucune idée ! J’ai pris un emprunt qui m’oblige à bosser jusqu’à environ 70 ans et, à vrai dire, je n’ai pas très envie de bosser aussi longtemps. Je cherche un mécène… si vous en connaissez un, j’étudie toutes candidatures !
Quelle est la réussite dont tu es la plus fière ?
D’avoir trouvé la formulation « Styliste de Mots » ! Les gens sont dorénavant beaucoup plus attentifs lorsque je me présente. Avant, je disais « Bonjour, je suis rédactrice » j’avais une réponse évasive « ah oui, très bien ! » et puis plus rien. Alors que maintenant quand je dis « je suis Styliste de Mots », je vois de suite la différence. Tout le monde me regarde avec des yeux ronds : « Styliste de Mots, mais qu’est-ce donc comme métier ? ». J’ajoute que mon métier, c’est de raconter des histoires et je déballe mon pitch : « je propose aux entreprises des prestations de rédaction etc.». J’ai beaucoup plus d’impact qu’avant, et c’est beaucoup plus valorisant, car je mets en avant ma créativité comme je l’ai fait sur mon site, mais aussi tous les bénéfices clients à travailler avec une fille géniale comme moi !
Sinon, je suis fière de gagner ma vie avec mon jus de cerveau ! Quand j’étais mariée, mon ex-mari qui était « un peu » réducteur disait de moi lorsqu’on lui demandait comment j’allais : « Alix, elle traficote sur son ordinateur ! ». Eh bien oui, je traficote, mais je fais quand même vivre ma petite famille toute seule et je trouve que c’est une chouette réussite !
Merci Alix pour ton franc-parler et ton témoignage transparent et authentique. Bravo pour ton parcours et la force qui se dégage de ton discours. Je te souhaite le meilleur pour la suite !
Et vous, partagez-vous la vision qu’a Alix du métier de rédacteur web ?